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LE MONUMENT AUX MORTS DE FOUESNANT
Le monument aux morts que vous voyez derrière moi a été inauguré voici un peu plus de 102 ans, le 2 novembre 1922. Vous pouvez constater qu’il diffère des monuments aux morts classiques, puisqu’il représente, non pas un soldat, mais une femme éplorée portant la coiffe bretonne de deuil. C’est Marie-Jeanne Nézet en prière pour ses fils tombés loin de Fouesnant, morts pour la France.
Appuyé à l’église, judicieusement placé entre deux verrières narratives, ce monument en granit de Kersanton, faisait face autrefois à une partie du cimetière qui entourait cette église. C’est le Conseil municipal de l’époque qui fit le choix de cette effigie féminine et confia cet ouvrage au statuaire finistérien René Quillivic. Marie-Jeanne avait eu quatre de ses fils partis à la guerre, trois n’en sont pas revenus ; le quatrième qui avait été gazé, était rentré bien mal en point, tout comme son gendre. Plutôt qu’ériger un poilu casqué et portant fusil, l’artiste avait préféré mettre en valeur, cette Bretonne en costume traditionnel.
L’expression du visage est figée par un masque de douleur, de souffrance. Cette peine infinie, c’est celle d’une mère qui a perdu ses enfants par la faute d’un conflit qu’elle était loin de comprendre. Les mains jointes, dans une prière muette. Mais cette prière n’apaise certes pas les tourments de cette femme alors âgée de 67 ans [en 1922].
Il fut difficile de convaincre Marie-Jeanne de poser pour la postérité. Il fallut l’alliance du maire et du curé pour la décider. Courant novembre 1922, elle se rendit pendant 15 jours, chaque après-midi dans un local monté près de l’église pour prendre la pose devant René Quivillic. Plus tard elle regrettera d’avoir donné son accord car selon elle : « maintenant tout le monde peut me voir » et cela blessait cette modeste paysanne. Exposer à tous son éternel chagrin était presque pour elle une honte, sa douleur elle la voulait personnelle.
Si l’artiste a voulu gommer le côté guerrier du monument, juste pour accréditer la der des ders, j’y vois quand même quelques emblèmes de la guerre. Ainsi juste derrière la tête de Marie-Jeanne, formant une auréole, on devine le dessin d’une croix de guerre bordée horizontalement à sa droite et à sa gauche par des feuilles de chêne qui symbolisent la Force, car quand même nous l’avions gagné cette guerre.
C’est aussi un monument qui a trait à la guerre, puisqu’en arrière-plan, nous pouvons lire sur une grande plaque de marbre noir la longue liste des 181
enfants de Fouesnant qui ont perdu la vie lors de cette Première Guerre mondiale, pour que la France reste la France ; ils sont morts comme soldat français.
Les années passant, le cimetière qui entourait l’église a disparu, Marie-Jeanne est restée et près d’elle s’est ajoutée, une liste de 34 nouveaux noms : encore des morts fouesnantais pour la France, ceux-là lors de la Seconde guerre mondiale. Puis viendra encore un fils de Fouesnant tombé en Indochine et enfin deux autres tombés eux en Algérie.
Quant à Marie-Jeanne, veuve depuis le 24 décembre 1924, elle mourut à son tour à 85 ans, le 6 février 1940, s’épargnant ainsi de voir arriver l’occupant allemand.
Comme elle souvenons-nous de ces jeunes hommes de Fouesnant ou de partout ailleurs, qui ont offert leur vie pour la Patrie. Avec le « Souvenir français » maintenons haut cette flamme de la mémoire et qu’aucun vent ne puisse l’éteindre.
Formons le vœu que la commune de Fouesnant n’aura plus jamais besoin de ressortir le marteau et le burin. Que ce vœu se répande à toutes les communes de France.
Christian FILEAUX